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Toute discipline disposant d'un contrôle relativement autonome sur ses exigences d'admissibilité, sa formation, le développement du savoir, ses normes, méthodes et pratiques ne l'exerce que dans le contexte de la société où elle fonctionne. Ce contrat social, basé sur des attitudes de respect mutuel et de confiance, sert de support à l'autonomie de la discipline qui, en retour, s'engage à s'assurer que ses membres agiront d'une façon éthique dans l'exercice de leurs fonctions au sein de la société et qu'elles accorderont la préséance au bien-être de la société et des individus la composant plutôt qu'à celui de la discipline ou de ses membres.
La Société canadienne de psychologie reconnaît qu'elle a la responsabilité de contribuer à assurer les comportements et les attitudes éthiques des psychologues. Les mesures propres à assurer les comportements et attitudes éthiques comprennent: la formulation de principes, de valeurs et de normes de déontologie; la promotion de ces principes par l'éducation, le modèle des pairs et la consultation; le développement et l'implantation de méthodes aptes à aider les psychologues à vérifier le caractère éthique de leurs comportements et attitudes; les jugements rendus à propos des plaintes relatives à des comportements non éthiques ainsi que les moyens d'y remédier au besoin.
Ce Code formule les principes, valeurs et normes de déontologie pour les membres de la Société canadienne de psychologie que ces dernières soient des scientifiques, praticiennes ou scientifiques-professionnelles ou qu'elles soient impliquées dans une recherche, interviennent directement auprès des gens, ou agissent comme enseignantes, étudiantes, administratrices, superviseures, consultantes, témoins-experts, ou assument des fonctions de nature rédactionnelle ou reliées aux politiques sociales, ou tout autre rôle relié à la psychologie comme discipline.
Structure et fondements du Code
Structure. Le présent document comprend quatre principes de déontologie qui devront être pris en considération et pondérés les uns par rapport aux autres dans le processus de décision éthique. Chaque principe est suivi d'un énoncé des valeurs intrinsèques le définissant. Chaque énoncé de valeurs est suivi d'une liste de normes de déontologie illustrant l'application du principe et des valeurs aux activités des psychologues. Les normes vont des comportements minimalement acceptables (e.g. Normes I.14, II.34, III.1, IV.24) à des comportements et attitudes plus évoluées mais applicables (e.g. Normes I.16, II.10, III.10, IV.5). Des mots clés ont été placés dans la marge de gauche afin d'aider le lecteur à parcourir les normes et de faire ressortir le lien entre les normes spécifiques et l'énoncé de valeurs.
Fondements. Les quatre grands principes représentent les principes utilisés le plus régulièrement par les psychologues canadiens pour solutionner les dilemmes d'éthique hypothétiques qui leur ont été soumis par le Comité d'éthique de la SCP lors de la première étape de développement du Code. En plus des réponses fournies par les psychologues canadiens, les énoncés de valeurs et les normes proviennent de codes de déontologie interdisciplinaire et internationaux, de codes provinciaux, de codes de conduite spécialisés et de la littérature sur l'éthique.
Conflits entre les principes
Les quatre principes doivent être tous pris en considération et pondérés dans le processus de décision éthique. Toutefois, dans certains cas, il y aura conflit entre les principes d'éthique et il ne sera pas possible de leur accorder un poids égal.
Même si la complexité des dilemmes d'éthique empêche d'accorder un ordre d'importance fixe aux principes, les quatre principes ont été ordonnés selon le poids respectif que chacun devrait généralement avoir quand ils sont en conflit, ainsi :
Principe I : Le respect de la dignité de la personne. Ce principe, avec son accent sur les droits moraux, devrait généralement venir au premier rang dans l'ordre d'importance des principes, sauf dans les cas où il y aurait un danger clair et éminent pour la sécurité physique de tout individu.
Principe II : Soins responsables. Ce principe viendrait au deuxième rang dans l'ordre d'importance des principes. Des soins responsables exigent de la compétence et doivent être prodigués uniquement de façon à respecter la dignité de tout individu.
Principe III : L'intégrité dans les relations. Ce principe viendrait au troisième rang dans l'ordre d'importance des principes. On s'attend à ce que les psychologues fassent preuve du plus haut degré d'intégrité dans tous leurs rapports. Dans de rares circonstances, les valeurs telles que l'honnêteté et la franchise devront être subordonnées aux valeurs comprises dans les principes du respect de la dignité de la personne et les soins responsables.
Principe IV : Responsabilité envers la société. Ce principe viendraitgénéralement au dernier rang dans l'ordre d'importance des principes lorsqu'il est en conflit avec unou plusieurs autres. Bien qu'il soit nécessaire et important de considérer la responsabilité dupsychologue envers la société dans chacune des prises de décisions éthiques, laconformité à ce principe doit être assujettie et guidée par le respect de la dignité de la personne, les soins responsables et l'intégrité dans les relations. Lorsqu'il semble y avoir conflit entre le bien-être de l'individu et l'intérêt de la société, il est souvent possible de trouver les moyens de travailler pour le bien de la société sans aller à l'encontre du respect de la dignité de la personne et des soins responsables. Toutefois, si ce n'est pas possible, on doit accorder la plus grande importance au bien-être de l'individu.
Cette pondération des principes n'empêchera pas les psychologues d'être confrontées à des dilemmes d'éthique difficiles à résoudre. On s'attend alors à ce qu'elles s'engagent dans un processus de décision éthique assez explicite pour se prêter à un examen public rigoureux. Dans certains cas, la solution peut relever de la conscience personnelle. Cependant, de telles décisions doivent également s'appuyer sur un ensemble de principes d'éthique suffisamment cohérents pour permettre une analyse externe. Si la psychologue peut démontrer que tout a été mis en oeuvre pour se conformer aux principes du Code et que la solution du conflit relevait en définitive de sa conscience personnelle, on considérera alors qu'elle a agi conformément au présent Code.
Le processus de prise de décision éthique
Le processus de prise de décision éthique peut s'effectuer très rapidement et permettre de résoudre facilement un problème d'éthique. Ceci est particulièrement vrai lorsqu'il existe des directives ou des normes biens définies pour une question donnée et qu'il n'y a pas d'opposition entre les principes. Par ailleurs, certains problèmes éthiques (en particulier ceux mettant en conflit les principes d'éthique) ne se solutionnent pas facilement et requièrent des délibérations plus longues.
Les étapes de base suivantes décrivent la démarche typique du processus de décision éthique :
- Identifier les questions et pratiques pertinentes;
- Développer des lignes d'action alternatives;
- Analyser des risques possibles ( immédiats, court-terme, long-terme) de chaque ligne de conduite sur les individus/groupes impliqués ou susceptibles d'être concernés (e.g., cliente, famille de la cliente ou employées, l'institution-employeur, étudiantes, participantes à une recherche, collègues, la discipline, la société, soi-même);
- Choisir la ligne de conduite en appliquant consciencieusement les principes, valeurs et normes actuelles;
- Passer à l'action en s'engageant à accepter la responsabilité des conséquences de cette action;
- Évaluer les résultats de son action;
- Assumer la responsabilité des conséquences de la décision, ce qui implique de remédier aux conséquences négatives, s'il y en a, et de reprendre le processus de prise de décision quand le problème n'est pas résolu.
Les psychologues, engagées dans un processus impliquant de longues délibérations, sont encouragées à rechercher l'avis de collègues ou d'organismes consultatifs quand cela peut enrichir le processus décisionnel au niveau du contenu ou de l'objectivité. En fait, même si la décision finale demeure la responsabilité de la psychologue concernée, on s'attend à ce qu'elle recherche de l'aide et la prenne en considération, démontrant ainsi une approche éthique au processus de décision.
Usages du code
Le Code est destiné à servir de guide aux psychologues dans l'exercice quotidien de leur profession, à penser et à planifier ainsi qu'à résoudre les dilemmes d'éthique. Ainsi, le Code préconise la pratique d'une éthique préventive et réactive.
Le Code est également destiné à servir de cadre au développement de codes de conduite ou autres codes plus spécifiques. Par exemple, le Code peut servir de cadre à une certaine juridiction pour identifier les comportements qui seraient régis et dont la violation constituerait un manquement à l'éthique; par ailleurs, certaines juridictions pourraient identifier dans le Code les normes décrivant des comportements plus graves et, par conséquent, susceptibles d'être rapportés et de devenir l'objet de mesures disciplinaires. Aussi, les principes et valeurs pourraient servir à aider les domaines de spécialisation à développer des normes propres à leur secteur. La SCP s'est déjà engagée dans ce sens (e.g. l'utilisation des animaux dans la recherche, la thérapie et le counseling auprès des femmes, l'élaboration de guides de pratique pour les psychologues rendant des services professionnels). Dans la mesure où ils se retrouveront dans d'autres documents guidant la conduite des psychologues, les principes et les valeurs de ce Code réduiront les disparités et les contradictions entre les divers documents.
Un troisième usage de ce Code sera de servir au traitement des plaintes contre les psychologues. L'organisme à qui incombe cette responsabilité devra enquêter sur les allégations, évaluer s'il y a eu un comportement non éthique et établir quelle action doit être prise. Pour déterminer si un correctif s'impose, on doit considérer si l'individu s'est engagé consciencieusement dans un processus de décision éthique et a agi de bonne foi ou s'il a été négligent ou a ignoré délibérément les principes d'éthique. La description du processus de prise de décision éthique incluse dans ce Code constitue un guide pour parvenir à de tels jugements.
Responsabilité individuelle des psychologues
La responsabilité de l'éthique en psychologie dépend avant tout de chaque psychologue prise individuellement, c'est-à-dire de l'engagement de chaque psychologue à se comporter de façon aussi éthique que possible dans toute circonstance. Cet engagement est essentiel à la réalisation du contrat social de la discipline. L'acceptation dans la Société canadienne de psychologie, une association scientifique et professionnelle de psychologues, engage les membres à :
- adhérer au Code de déontologie adopté par la Société;
- évaluer et discuter régulièrement de questions et de pratiques éthiques avec des collègues;
- face à la possibilité de comportements non éthiques de la part d'une psychologue, lui faire part directement de ses inquiétudes, lorsqu'approprié, essayer d'arriver à une entente à ce sujet et, s'il y a lieu, sur l'action pertinente à entreprendre;
- prendre sérieusement en considération les remarques des autres à propos de leurs propres manquements possibles à l'éthique, s'efforcer de parvenir à un accord à ce sujet et, si besoin est, prendre les mesures appropriées;
- collaborer avec les comités à qui la Société a confié le mandat de se consacrer aux questions d'éthique;
- porter à l'attention de la Société toute question éthique requérant des éclaircissements ou le développement de nouvelles lignes directrices ou normes.
Rapport entre le code et le comportement personnel
Ce Code est destiné à guider et à réglementer uniquement les activités de la psychologue dans son rôle de psychologue. Il n'y a aucune intention de guider ou de réglementer les activités de la psychologue en dehors de ce contexte. Le comportement personnel n'est pris en considération que dans la mesure où il peut affecter la confiance du public en la discipline même ou soulever des doutes quant à la capacité de la psychologue de s'acquitter d'une manière appropriée de ses responsabilités professionnelles.
Rapport entre le code et les autres regroupements provinciaux
En s'acquittant de ses responsabilités par le biais de la formulation de principes, normes et valeurs de déontologie à l'intention des personnes qui veulent devenir membres de la Société et y demeurer, la Société canadienne de psychologie n'oublie pas que des psychologues appartiennent (volontairement ou obligatoirement) à plusieurs regroupements de psychologues. Ce Code s'est voulu un essai d'intégration des principes d'éthiques qui prédominent dans l'ensemble de la discipline, afin de minimiser les possibilités de divergences avec les normes ou lignes de conduites provinciales ou territoriales. Aussi, on s'attend à ce que les psychologues qui sont membres d'autres regroupements en respectent les conditions. Ces exigences peuvent définir des comportements spécifiques, constituant des manquements à l'éthique et, en conséquence, qui peuvent être rapportés à l'organisme régissant la discipline ou la profession et donner lieu à des mesures disciplinaires.
Définition des termes
Au sens de ce code :
- psychologue veut dire toute personne qui est fellow, membre, étudiante affiliée ou étrangère affiliée de la Société canadienne de psychologie, ou membre de toute association volontaire ou organisme régissant la discipline adoptant ce Code. (Rappelons que les juridictions provinciales/territoriales peuvent restreindre l'usage légal du terme psychologue dans leur juridiction et que de telles restrictions sont valables);
- cliente veut dire une personne, famille, groupe (y compris une organisation ou une communauté) recevant les services d'une psychologue;
- les clientes, sujets de recherche, étudiantes et toute autre personne avec lesquelles les psychologues entrent en contact dans l'exercice de leurs fonctions, sont considérées comme indépendantes si elles peuvent contracter des engagement de façon autonome ou donner un consentement éclairé. Ces personnes sont partiellement dépendantes si la décision de contracter leurs services ou de donner leur consentement relève de deux parties ou plus (e.g., parents et conseils scolaires, travailleurs et commission des accidents du travail, membres adultes d'une même famille). Ces personnes sont considérées comme entièrement dépendantes si elles ont peu ou pas de choix de recevoir le service ou de participer à une activité (e.g., patientes confinées sans leur consentement dans un hôpital psychiatrique, de très jeunes enfants impliquées dans un projet de recherche);
- par autres on entend tout individu ou groupe avec qui les psychologues sont en contact dans l'exercice de leurs fonctions. Ceci peut comprendre, sans y être limité, les participantes à une recherche, les clientes cherchant de l'aide à propos de problèmes d'ordre personnel, familial, organisationnel ou communautaire, les étudiantes, les personnes sous supervision, les employées, les collègues, les employeurs, les tierces personnes et les membres du public en général;
- droits légaux ou civils veut dire ces droits protégés sous les lois et statuts reconnus par la province dans laquelle la psychologue exerce sa profession;
- droits moraux veut dire les droits humains fondamentaux et inaliénables pouvant être ou non pleinement protégés par les lois et statuts existants. Certains de ces droits représentent un intérêt particulier pour les psychologues, comme par exemple: égalité dans la justice, équité et accès aux moyens légaux, intimité appropriée au développement de la personne, auto-détermination, autonomie et liberté personnelle. La protection de certains aspects de ces droits peuvent impliquer des pratiques qui ne relèvent pas des lois et statuts en vigueur. Les droits moraux ne sont pas limités à ceux mentionnés dans cette définition;
- discrimination injuste ou injustement discriminatoire désigne des activités préjudiciables à des personnes à cause de leur culture, nationalité, couleur, race, religion, sexe, statut marital, préférence sexuelle, capacités physiques ou mentales, âge, statut socio-économique ou toute autre préférence ou caractéristique personnelle, condition ou statut;
- le harcèlement sexuel comprend un ou les deux aspects suivants : geste ou toucher de nature sexuelle, si de tels comportements sont offensants et importuns, créent un milieu de travail hostile ou intimidant et sont susceptibles de nuire à la personne qui en est victime [La Société canadienne de psychologie (1985), Lignes directrices pour l'élimination du harcèlement sexuel, Old Chelsea, Québec, Auteur];
- la discipline de la psychologie réfère aux méthodes scientifiques ou professionnelles, au savoir psychologique ainsi qu'aux structures et procédures utilisées par les psychologues pour exercer leur travail en rapport avec la société, les membres du public, les étudiantes et en interaction les unes avec les autres.
Programme de révision
Afin de garantir la pertinence et la flexibilité du Code, le Conseil d'administration de la Société canadienne de psychologie le passera en revue dans trois ans et le révisera au besoin. Les commentaires et suggestions peuvent être envoyés en tout temps au bureau de la SCP. Cette invitation s'adresse non seulement à toutes les psychologues mais également à tous le membres des autres disciplines et au public.
1991. Tous droits réservés.
Société canadienne de psychologie