1.1
Historique
1.1.1Rayonnement Bêta: le mystère
de l'énergie manquante
La radioactivité fut découverte il y a cent ans. Une étude poussée effectuée sur des noyaux radioactifs admit qu'il existait 3 types de radioactivités caractérisées par la nature de leurs émissions: alpha, bêta et gamma. Dans le cas de la radioactivité alpha, une particule alpha (noyau d'hélium) est expulsée du noyau avec une certaine énergie. Celle-ci compense pour la masse perdue dans le noyau initial. N'oublions pas que selon la loi d'Einstein E=mc2, à chaque masse est associée une énergie. C'est ainsi que dans le cas de la radioactivité alpha, la loi de conservation de l'énergie est respectée car l'énergie totale du système reste la même et rien est perdu.
Cependant, lors de la désintégration bêta (transformation d'un neutron en proton avec émission d'un électron), il se produisit, à la plus grande stupéfaction des scientifiques, un phénomène mystérieux. En effet, le noyau émettait un électron dont l'énergie associée était plus faible que celle perdue par le noyau. De plus, cette énergie perdue n'était pas toujours la même, ce qui produisit un spectre d'émission qui, loin d'être une raie bien définie à laquelle on s'attendait, était bel et bien un spectre continu de valeurs qui s'étendait de 0 à M0, la masse totale du système avant émission. C'est alors que l'on remit en question la solide loi de conservation de l'énergie. Où était donc passée l'énergie manquante et qu'est-ce qui pouvait bien expliquer le spectre continu d'émission?
Pour sauver les apparences... ainsi que la loi
de conservation de l'énergie, Wolfgang Pauli proposa, en 1930, l'existence
d'une particule supplémentaire qui serait émise en même
temps que l'électron et emportant avec elle l'énergie "manquante".
Cette particule, baptisée "neutrino" pour "petit
neutre" par Enrico Fermi, permettait donc de sauver le principe de
conservation de l'énergie en équilibrant les énergies
totales des systèmes avant et après la désintégration.
En 1933, Fermi expliquera, dans sa théorie sur la désintégration
bêta, la nature du spectre continu: il y aurait partage, entre l'électron
et le neutrino, de l'énergie libérée. La désintégration
bêta devint donc.
Il fallut attendre jusqu'en 1956 pour obtenir des résultats expérimentaux
tendant à confirmer cette hypothèse.
1.1.2 Propriétés du neutrino selon Pauli
Cette particule non-observée (donc neutre), de masse très faible (voire nulle) et voyageant à une vitesse s'approchant de la vitesse de la lumière, fut décrite au Congrès Solvay de Bruxelles en octobre 1933 par Pauli. Celui-ci déclara que: "leur masse ne peut pas dépasser de beaucoup celle de l'électron. Pour les distinguer des neutrons lourds, monsieur Fermi a proposé le nom de neutrinos. Il est possible que la masse propre des neutrinos soit égale à zéro... Il me paraît admissible que les neutrinos possèdent un spin 1/2... Nous ne savons rien de l'interaction des neutrinos avec les autres particules matérielles et avec les photons: l'hypothèse qu'ils possèdent un moment magnétique ne me paraît pas du tout fondée."
Force est de constater que nous sommes, encore aujourd'hui, très peu renseignés sur la véritable nature du neutrino, surnommé particule fantôme; d'autant plus que plusieurs des ses propriétés intrinsèques (telle sa masse) sont, jusqu'à ce jour, méconnues.
1.1.3 Expérience de Reines
et Cowan (1956): découverte de l'antineutrinoUn
autre grand pas allait être accompli dans l'étude des neutrinos...
En effet, c'est en 1956 que Fred Reines et Clyde Cowan mirent au point
une expérience visant à détecter les antineutrinos.
Partant du fait que toute particule possède son antiparticule, prouver
l'existence de l'un c'est prouver l'existence de l'autre. C'est ainsi qu'ils
mirent sur pied, près du réacteur de Savannah River, en Caroline
du Nord, le projet Poltergeist. Ils se munirent d'un détecteur
contenant plus de cinq mille litres de scintillateur liquide et de cent
photomultiplicateurs destinés à capter la moindre émission
de rayons gamma. Finalement, le réservoir principal rempli d'une
solution de CdCl2 et d'eau jouait le rôle principal. Ainsi,
lorsqu'un antineutrino est capté par un proton suivant la réaction
, il y a émission
d'un neutron et d'un positron. Par la suite, deux
scénarios se produisent:
C'est ainsi qu'en juin 1956, Reines et Cowan détectèrent quelques flashes synchronisés selon la séquence décrite plus haut. Ces rayonnements étaient la preuve de la présence d'antineutrinos, donc de neutrinos.
1.1.4 Découverte de 2 autres
types de neutrinos
Au fil des ans, notre connaissance des neutrinos s'élargissait graduellement. C'est ainsi qu'en 1962, une équipe américaine dirigée par Leon Lederman, Melvin Schwarz et Jack Steinberger venait d'identifier une nouvelle espèce de neutrino: le neutrino muonique associé au muon. Par la suite, en 1970, on découvrit une troisième famille de neutrinos: le neutrino tauique. Cependant, aucune interraction n'a encore été observée jusqu'à maintenant.
Grâce à une expérience réalisée
par le LEP (Large Electron Positron Collider) lors de laquelle on projeta
des électrons possédant une énergie de 50 Giga eV
contre des positrons possédant la même énergie et suivant
la réaction , il a été
démontré qu'il n'existe que 3 familles de neutrinos. En effet,
puisqu'il existe, dans le cas d'une collision entre positron et électron,
une incertitude sur la mesure de la masse du bozon Z, cette incertitude
en énergie (obtenue via E=mc2) est proportionnelle au
nombre de familles de neutrinos.
C'est à partir de cette conclusion que fût complété le modèle standard de la physique des particules qui compte maintenant la famille des leptons (e, t, u) et des quarks (u,d), (c,s), (t,b). Aussi, à chaque lepton est associé un neutrino (ve, vt et vu). Les leptons sont les constituants de base de l'univers.
La masse du neutrino électronique est évaluée depuis 50 ans grâce à l'étude de la désintégration bêta. En effet, comme nous l'avons décrite plus tôt, cette désintégration produit un spectre qui se termine par une énergie maximale fonction de la masse totale du noyau émetteur et du neutrino émis. C'est grâce à cette masse et aussi par la mesure du mouvement de recul du noyau lors de l'émission que l'on peut accéder à la masse du neutrino électronique. Celle-ci est maintenant estimée comme inférieure à 5.1 eV. En se rappelant qu'un eV = 1.8 X 10-36kg, sa masse est inférieure à 9.18 X 10-36kg; en songeant que la masse de l'électron est égale à 9.1 X 10-31kg, nous comprenons pourquoi la catégorie des leptons est reconnue pour englober des particules de masses très faibles...
La masse du neutrino muonique est obtenue, pour
sa part, par l'étude de la désintégration du pion
en muon. Sa masse est inférieure à 160 keV. Enfin, la masse
du neutrino tauique a été obtenue grâce aux expériences
de hautes énergies comme aleph au CERN qui, par l'étude de
la désintégration du Z en tau a permis en 1995 d'abaisser
à 24 MeV la limite supérieure de sa masse. De plus, pour
confirmer la pensée de Pauli, leur spin est 1/2.
1.1.5 Interactions et détection
Sachant que les leptons ne sont sensibles qu'aux interactions électromagnétique et faible et en tenant compte du fait que les neutrinos sont dénués de charge électrique, il est aisé de comprendre pourquoi ceux-ci interagissent uniquement grâce à l'interaction faible. Celle-ci n'est ressentie qu'à très courte distance (de l'ordre de 10-18m), ce qui explique pourquoi les neutrinos n'ont pas la possibilité d'interagir. Dès lors, il nous est facile de comprendre pourquoi 95% des 70 milliards de neutrinos par centimètre carré et par seconde qui traversent la terre ne sont même pas déviés.
Sachant que le rapport des rayons d'un atome et de son noyau est: ratome / rnoyau = 10 000
Le neutrino ne rencontre donc, par unité de surface que (ratome / rnoyau)2 = 10 0002 fois moins de neutrons dans la matière ordinaire que dans la matière de la même densité qu'un noyau. Il doit donc parcourir une distance 10 0002 fois plus grande pour avoir une chance d'être absorbé par un neutron, soit 300 000 000 km X 10 0002 = 3 X 1016 km.
Ainsi, sachant que N = phi*rhô *A alors N = 1011 /s/cm2 * 10-44 * 6 X 1023 /s/g = 6.0 X 10-10/s/g
Dès lors, nous pouvons, par produit croisé et en sachant qu'une heure = 3600 s et que 1 tonne = 1000 kg, trouver qu'il se produit 2.16 interactions à l'heure et par tonne de matière.
À partir de ces calculs, nous pouvons facilement comprendre qu'il est nécessaire de prendre plusieurs précautions si l'on veut construire un détecteur de neutrinos efficace.
Dans tous les cas, on cherche à détecter:
neutrino + (A,Z) --> (A,Z+1) + électron. Ex: quand un neutrino interagit avec un noyau de chlore, le chlore se transmute en argon radioactif; c'est en mesurant cette radioactivité que l'on connaît le nombre de neutrinos ayant réagi.
Observatoire de Sudbury à 2070m sous terre."Sudbury captera plus de neutrinos en un an que tous les autres détecteurs au cours du dernier quart de siècle. On pourra donc tester directement les théories qui prévoient l'ossillation des neutrinos."