pause-réflexion . . .
Une éducation à repenser
" Chaque enfant est en puissance la lumière du monde et dans le même temps son obscurité...
Tant que la branche est verte et tendre,elle peut être rectifiée. »
Abbas EffendiLes sociologues de l'éducation s'entendent pour affirmer que l'école est la première agence de socialisation et que le terme réfère au :
^[...] Processus par lequel la personne humaine apprend et intériorise tout au cours de sa vie les éléments socio-culturels de son milieu, les intègre à sa personnalité sous l'influence d'agents significatifs et par là, s'adapte à l'environnement social où elle doit vivre. Claude Trottier
Une définition encore plus explicite du processus est celle-ci :
[...] développer en chaque membre la motivation conforme aux valeurs, aux modèles de conduite, aux normes et aux règles propres à une société particulière. C'est en effet un problème que rencontre toute société globale que de motiver ses membres au maintien, au fonctionnement, au changement du système. En d'autres termes, la socialisation a comme but de faire intérioriser par chaque membre d'une société les éléments de la culture qui feront de lui un acteur intégré dans cette société particulière. W. Bélanger et G. Rocher
Or, cette conception de la socialisation ne porte-t-elle pas préjudice à l'individu et à la société, puisque pour une bonne part des jeunes soumis à ce processus il y a plutôt fragmentation, démantèlement, éclatement de l'intégration sociale qui devrait en constituer l'aboutissement ? La simple observation, les statistiques et les médias pourraient bien nous le confirmer : montée croissante du vandalisme, de la violence physique et sexuelle,de l'abus des drogues et de l'alcool... Pourtant, sociologues et spécialistes de l'éducation nord-américains ont toujours eu comme projet d':
Enseigner à chaque élève le respect de toute personne et de ses convictions, l'ouverture d'esprit devant la pluralité des valeurs qui constituent l'humanisme, la collaboration fraternelle dans l'édification d'un monde meilleur, le désir d'une justice sociale, le sens de la solidarité humaine, le refus des excès totalitaires, le respect de la liberté, l'attachement à l'idéal démocratique, l'attachement aux institutions et aux valeurs nationales, le dévouement au bien commun, le devoir de responsabilité personnelle dans les actes de la vie intellectuelle et sociale.
Conseil supérieur de l'éducation du Québec, 1987
Où le bât blesse-til, comment comprendre ce phénomène ?
Le fondement de la politique économique du système capitaliste,rappelle le logicien William Hatcher, est l'instauration d'une dichotomie irréductible entre ce qui appartient aux valeurs, aux normes et à la morale et ce qui concerne l'économie. De plus, l'économie capitaliste entretetient un rapport direct et étroit avec le système éducatif. En fait, tout le développement du savoir a été organisé de manière à ce que l'école rencontre ses finalités matérialistes. Qui plus est, l'homme qui y concourt, qui la soutient et l'utilise est perçu par elle comme une simple unité de production et de consommation, position philosophique qui priorise la matière à l'esprit et vise la satisfaction pure et simple des besoins humains d'ordre inférieur, dit-il. Cette prise de position matérialiste constitue depuis longtemps une culture. Une culture qui a fortement influencé les cohortes successives d'étudiants depuis l'avènement de la société industrielle et technologique, provoquant une déshumanisation progressive de l'enseignement en vue d'y véhiculer une image mécanomorphique des personnes utilisables aux seules fins de l'économie. L'instruction prenant ainsi le pas sur l'éducation au cours des 30 dernières années, les étudiants ont été instruits pour rencontrer les besoins du système capitaliste plutôt qu'en fonction de leur potentiel.De plus, au lieu d'être des endroits privilégiés pour se poser et recevoir des réponses aux questions fondamentales de l'existence, l'école, le collège, l'université, sont devenus des lieux de « déséologisation des débats », la critique normative n'y existant souvent qu'en fonction des valeurs accomodant et servant les intérêts mercantiles du système qui forme le citoyen, l'utilise et le manipule.
De cette situation résultèrent des modèles d'éducation axés principalement sur l'acquisition d'un savoir maximisant la production et la consommation de masse, donc valorisant les habiletés d'ordre pratique et intellectuel ainsi que l'avoir au lieu de l'être et du savoir-être.En découla également la légitimation de l'ordre établi ainsi que des valeurs qui lui sont intrinsèques : opportunisme, athéisme, égoïsme, cartésianisme, etc.
Ces faits sont clairement rappelés par Raymond Laliberté dans L'éducation et le système politique :
De toutes les agences de socialisation politique que l'on appelle aussi d'inculcation idélogique, dit-il, il en est deux seulement qui rejoignent à un moment ou l'autre, directement, l'ensemble des membres de la société : ce sont la famille et l'école. [...] Mais de ces deux agences premières de socialisation, il en est une seule qui soit homogène socialement et dont on peut directement orienter les objectifs, les projets, les décisions et les actions ; c'est évidememment l'école en tant que réseau institutionnel de formation, ce que l'on appelle système d'éducation.
Les résultats aujourd'hui ? Démantèlement des structures de l'État au profit des capitalistes ; disparité sociale et économique qui se creuse avec apparition de tous les vices qui sont reliés à ces deux conditions. C'est ainsi que le projet social de toute une communauté à été détournée de ses buts principaux.
Aussi, le Ministère de l'Éducation du Québec tente-t-il de réviser le tir en 1998 dans Réaffirmer l'école, en définissant les compétences liées à la socialisation comme suit :
L'application, dans la vie quotidienne, des règles de vie en société
L'éducation interculturelle et le respect des différences
Le développement d'un sens esthétique et moral
L'application des règles liées à la conservation de la santé
L'éducation à l'environnement
L'ouverture à la compréhension internationale
L'éducation aux medias
Or, c'est toujours une conception formelle de la démarche scientifique qui modèle programmes et apprentissages. Il s'agit de la transmission d'une vérité unique, objective et régulatrice, vérité officiellement acceptée tant et aussi longtemps qu'un scientifique reconnu n'en aura pas rajusté les formes ou récusé les fondements par des expériences et des observations qualitatives et/ou quantitatives. Cette perception étroite de la vérité scientifique implique que la formation dispensée est extérieure à l'étudiant, le rendant passif dans son apprentissage. De plus, la présomption que seules sont morales les valeurs qui ont un intérêt social et que celles-ci sont indépendantes des consciences individuelles, telle qu'instaurée par DURKHEIM, a malheureusement fourni la fondation sur laquelle asseoir des théories éducatives extérieures au « s'éduquant » et qui légitiment les aspirations égocentriques du système capitaliste :
C'est la société qui trace à l'individu l'idéal qu'il doit réaliser par l'éducation, dira-t-il. L'homme que l'éducation doit réaliser en nous, ce n'est pas l'homme tel que la nature l'a fait mais tel que la société veut qu'il soit ; et elle le veut tel que le réclame son économie intérieure.
Cette éducation contraignante ne prenant pas racine dans l'individu, n'a que bien peu d'engagement à faire de la personne un être libre et socialement responsable.
D'un autre côté, la complaisance des institutions religieuses à retransmettre une vérité unique, non sujette à interprétation, donc régulatrice des comportements et extérieure à l'individu a depuis longtemps éloigné la masse du conformisme, de la rigidité et de l'irrationalité qui les caractérisaient. Mais du coup, accentué son apathie spirituelle et sa tiédeur morale, les valeurs transcendantales ayant été simultanément rejetées. Tout le système exerçant des pressions psychologiques formidables, que, qui, reste-t-il pour endiguer positivement le potentiel social des jeunes ? Les parents ? Beaucoup sortent désarmés du combat qu'ils livrent à un système promouvant des valeurs opposées aux leurs.
Sur une planète désormais rétrécie à la dimension d'un pays ; vis-à-vis d'une humanité qu'on considère de plus en plus comme une seule et même famille, le coeur du problème qui reste à résoudre en matière d'éducation consiste en la définition socio-psycho-spirituelle de l'homme. Car par-delà les questions de démocratisation de l'enseignement, de formation et de perfectionnement des maîtres, d'innovation pédagogique et technologique, c'est de la définition même de l'homme, de ses buts, de ses choix et des valeurs qui régissent ses agirs que dépendent l'avenir du monde, l'avenir de nos institutions locales, nationale et internationales et de leurs composantes premières, les femmes et les hommes d'aujourd'hui et de demain. Et cette définition demande une réflexion philosophique et métaphysique profonde, s'appuyant sur un code d'éthique universel sans laquelle toute définition restera toujours provisoire parce que centrée sur des réalités somme toute artificielles et insuffisantes dans le contexte social qui est maintenant le nôtre. Il reste à souhaiter que tous et chacun s'implique dans cette grande transformation et en reconnaisse la cruciale nécessité.
Loesha R. Lavoie
Spécialiste en développement du potentiel humain.
Formatrice agréée par Emploi-Québec
www.mlink.net/~globe99/pleiades/
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